Néo-Romance

SCR133
Paru le 31 mars 2023
1.Ad Libre
2.Lumières
3.the first kiss
4.Dans les bois
5.Air de famille
6.Rêveries
7.In the air
8.The hills
9.one last dance
10.(ouverture)
11.The Breach
12.Élégie
13.BORDERS
14.a new romance

Pour son nouveau disque Néo-Romance, la pianiste et compositrice Alexandra Stréliski s’est posé une question. Fascinée par le romantisme, les romantiques et leur relation « super sombre » avec la nature, elle s’est demandé ce que tout cela signifiait dans ce monde moderne que nous avons créé. « Le passé, la liberté sans restriction, le dévouement à la beauté — tous ces grands thèmes romantiques, mais exprimés de façon post-moderne », explique-t-elle. « Comment peut-on demeurer dans cet imaginaire malgré l’époque de peur et de désillusion dans laquelle on vit? C’est la prémisse et le contexte de l’album. »

Il s’agit aussi du plus récent chapitre d’une carrière stellaire où les éloges critiques et le succès commercial abondent. Artiste innovatrice de la scène classique moderne, elle a charmé les mélomanes à travers le monde avec sa musique minimaliste et émouvante. Son premier album, Pianoscope (2010), d’abord autodistribué par Stréliski, dont la mère préparait des exemplaires dans son sous-sol avant de les envoyer par la poste, est peu à peu devenu un véritable phénomène, rassemblant un bassin d’admirateurs dévoués, en plus de voir certaines pièces se retrouver dans les films Dallas Buyers Club (2013) et Demolition (2016), ainsi qu’aux Oscars (2014). Ceci a mené Stréliski à signer un contrat avec la maison de disques montréalaise Secret City, qui a lancé son deuxième album, INSCAPE, en 2018. Ce dernier a connu un succès incroyable, étant certifié platine au Canada, alors que le précédent Pianoscope était certifié or dans la foulée. INSCAPE a remporté de nombreux prix, incluant celui de l’Album instrumental de l’année aux prix JUNO 2020, en plus d’obtenir un énorme succès mondialement sur les plateformes numériques. Étant devenu un nom connu au sein de la scène musicale canadienne, avec plus de 300 millions d’écoutes en continu et 140 000 albums vendus à son actif, Stréliski est retournée en mode création.

Le sujet abordé dans Néo-Romance n’était pas la seule différence avec le modus operandi habituel de Stréliski. Cette dernière souhaitait prendre ses distances avec le mouvement néo-classique auquel elle était associée depuis longtemps, considérant que cela ne reflétait pas exactement son œuvre. L’expression individuelle en dépit des contraintes de la tradition, une idée prisée par les romantiques, l’a inspirée à suivre son instinct et à s’efforcer de capturer et transmettre des émotions à travers son art. « Je suis vraiment une romantique, dans le sens où j’exprime mon monde intérieur afin de mieux comprendre le monde qui m’entoure », confie-t-elle. « Alors je me concentre sur l’idée du néo-romantisme musicalement, mais aussi en tant que forme de méditation. »

Pour la première fois, elle s’est rendue en Europe pour composer et enregistrer, en plus de travailler avec plusieurs nouveaux musiciens et collaborateurs. Elle a par ailleurs exploré son passé familial, « suivant ses racines », dans ses propres mots. Néo-Romance a principalement été composé à Rotterdam, où Stréliski a emménagé avec sa partenaire. Par le fait même, elle a découvert des choses étonnantes à propos de son propre passé. Elle a visité des résidences où des membres de sa famille ont jadis vécu à Amsterdam, puis dans une bibliothèque de Paris, elle a trouvé des compositions de ses ancêtres, des professeurs et des compositeurs de l’ère romantique.

« Mon père est Français et ma famille a des origines juives polonaises. Je me suis retrouvée exactement où ils vécurent autrefois. J’ai toujours cru que j’étais la seule musicienne dans ma famille immédiate, que j’étais cette artiste bizarre. Or, il s’avère que mes ancêtres étaient tous des metteurs en scène, des violonistes, des gérants de théâtre… Plusieurs des femmes étaient des actrices. Découvrir cette histoire qui m’était inconnue a ouvert des pistes de réflexion par rapport à mon identité. Je me suis demandé : “Quelle est ma provenance? La musique se transmet-elle à travers les générations? Quelle est l’implication dans ma vie actuelle?” »

Alors que résonnaient en elle ces notions d’identité collective et d’histoire commune, la pandémie et les confinements ont en contrepartie instillé un sentiment d’isolement. Néo-Romance a pris forme dans « un espace profondément personnel », mais l’album évoque quelque chose de beaucoup plus universel, avec une portée narrative. « Néo-Romance est à propos de l’imagination, de raconter des histoires, de s’y perdre en l’écoutant, afin de contrer le désenchantement et l’isolement. »

Le romantisme faisait partie de l’univers musical de Stréliski depuis longtemps. « J’ai grandi en écoutant et en jouant Chopin, alors cela est ancré en moi », assure-t-elle. « Je me sens moi-même comme une compositrice romantique. Et alors qu’un nouvel amour me ramenait en Europe, jusqu’à mes racines et à ces découvertes, tout cela s’est harmonisé. C’était tout à fait logique. »