Five Roses

Un des aspects les plus magiques de l’enfance c’est cette impression que nous avons que même les plus petits plaisirs du quotidien sont sans fin. Bien entendu, ils ne sont pas tous à notre portée, mais ils sont néanmoins omniprésents, tout comme la promesse qu’on nous fait que bientôt nous serons grands et qu’alors ils seront à notre portée. En ce sens, le premier album de Miracle Fortress s’apparente tout à fait à une visite dans une confiserie pour un enfant de 6 ans, avec ses innombrables couleurs, toutes plus délicieuses que la précédente, tantôt familières, tantôt totalement nouvelles, mais toutes aussi satisfaisantes les unes que les autres.

FIVE ROSES est une ode à ce no man’s land onirique qu’est l’enfance rendue grâce à des pièces shoegaze enveloppantes, des instrumentales aériennes et des bijoux dans la plus pure tradition pop. L’album est le fruit d’un seul homme, Graham Van Pelt, qui l’a entièrement composé, joué, enregistré et mixé à Friendship Cove (en soi un monument à l’innocence de l’enfance). Même la pochette du disque a été inspirée par les draps qui recouvraient son lit au domicile familial lorsqu’il était un jeune garçon. Le titre de l’album est évidemment inspiré de l’icône du paysage montréalais qu’est l’usine de farine Five Roses et son enseigne au néon surplombant Friendship Cove et Griffintown.

Bien que triomphal en apparence, Five Roses n’est certes pas un album naïf, ni même léger. On connaît Van Pelt en tant qu’exubérant claviériste du groupe Think About Life et même comme remixeur Hip Hop, mais Five Roses nous fait découvrir un auteur-compositeur et réalisateur éclectique et prometteur qui parvient à évoquer les joies de l’enfance tout en rappelant des artistes influents comme Brian Wilson, Paul McCartney et Brian Eno. Et bien que ce puisse être le côté nostalgique de Five Roses qui vous séduise en premier grâce à des pièces pop parfaites telles que This Thing About You and Maybe Lately, l’album contient de nombreuses petites perles sonores qui n’ont rien à envier à leurs plus exploratoires contemporaines. Prenez l’exemple de Blasphemy: cette pièce démarre de façon tout à fait innocente, puis, à mi-chemin, se métamorphose en une magistrale oeuvre postrock à base de synthés qui n’est pas sans rappeler ses compatriotes Caribou ou Bell Orchestre, tandis qu’à l’inverse, Beach Baby et Hold Your Secrets to Your Heart font fi des structures conventionnelles et leurs arrangements d’une légèreté trompeuse pourraient tout aussi bien avoir été tirés du Sung Tongs d’Animal Collective. Et même si l’album est un florilège de magnifiques harmonies vocales, c’est une pièce instrumentale, la pièce titre de l’album, en fait, qui en est sans doute le moment le plus fort musicalement et émotivement.

L’autre côté marquant de l’enfance est que celle-ci prend fin. Lorsqu’on demande à Van Pelt si Miracle Fortress n’est qu’un projet indie-pop quasi accidentel, voici sa réponse: «Miracle Fortress existe dans le vide absolu, à l’abri de tout. C’est un endroit où je me permets tout… Je change constamment de style musical; c’est presque un mode de vie, alors il y a de fortes chances pour que le prochain album soit radicalement différent.»

Du bonbon!