Close to Paradise

Le Purgatoire a toujours eu un petit côté séduisant. Personne ne veut aller en enfer, mais est-ce que le Paradis est vraiment si intéressant que ça? Rappelez-vous cette chanson des Talking Heads… « Heaven is a place where nothing ever happens… » (Le Paradis est un endroit où il ne se passe absolument rien…) Close to Paradise est un de ces rarissimes albums qui vous transportera là où vous le désirez.

L’Auditeur est immédiatement happé par l’indéniable talent de l’auteur-compositeur Patrick Watson, ce jeune pianiste à la voix lancinante. L’immense impact que peut avoir une chanson aussi simple que The Great Escape est l’ultime exemple du pouvoir de la voix et de la sensibilité de Patrick. Nous vous mettons au défi de ne pas entendre de filiation entre Jeff Buckley et Patrick Watson sur Luscious Life (sans parler de l’orchestration qui n’est pas sans rappeler Sufjan Stevens) ou encore dans le gospel aussi minimaliste que prenant de Bright Shiny Lights. En un mot comme en mille, on pourrait dire de Close to Paradise qu’il s’agit de l’éclosion d’une des plus exceptionnelles voix canadiennes des dernières années. Cinematic Orchestra a d’ailleurs déjà retenu ses services tant comme compositeur que comme chanteur pour son prochain album.

Malgré tout cela, il ne faudrait surtout pas oublier que Close to Paradise est également le fruit du travail de trois autres musiciens au talent incomparable qui ont tous contribué à la composition des petits trésors que contient ce disque. Robbie Kuster est probablement le meilleur batteur de Montréal (Holy Fuck a récemment fait appel à ses services pour une tournée et des séances d’enregistrement en studio), et le duo qu’il forme avec Mishka Stein à la basse permet au groupe de changer radicalement l’atmosphère d’une ballade onirique en rock pur et dur en un clin d’oeil. Quant à Simon Angell, il fait partie de ces rares guitaristes qui peuvent accomplir plus avec un seul accord bien placé que les autres arrivent à faire avec une tonne de notes lancées ça et là dans toute une chanson. Oh! Il pourrait gagner bien des concours de solos déchaînés, mais c’est lorsqu’il est patiemment assis devant son arsenal d’effets qu’il est le plus redoutable. Gardez simplement à l’esprit que c’est Kuster qui a cocomposé les arrangements électroniques dans Daydreamer, que c’est à Stein que l’on doit les fondations de Luscious Life (sans conteste la pièce le plus délicieusement pop de l’album), et que c’est Angell qui a écrit les paroles de l’apocalyptique The Storm, en plus d’y jouer le banjo. Il deviendra dès lors évident pour tous que Patrick Watson, c’est plus que Patrick Watson. Close to Paradise est un album qu’on ne prend pas à la légère offert par un des plus redoutables quartet de musiciens des dernières années.

Enregistré à Montréal par Jace Lasek (Breakglass Studios) et par Jean Massicotte (Master Cuts), l’album met également en vedette deux collaboratrices hors pair à la voix: Liz Powell (Land of Talk) et la jeune sensation du country, Katie Moore. Même le gourou de l’électronique, Amon Tobin, a apporté sa touche magique à quelques reprises.

Mais, par-dessus tout, Close to Paradise est, à l’ère des compilations préformatées, un véritable album. Attention! Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de petits trésors pop sur cet opus. On n’a qu’à penser à Giver ou Drifters (pièce pour laquelle le groupe élabore présentement un vidéoclip). Néanmoins, il faut avoir été jusqu’au bout de la nuit avec Sleeping Beauty pour apprécier la beauté de Bright Shiny Lights, et cette interrelation qui fait qu’un album est un grand album, chose qui arrive de moins en moins souvent. Mais il n’en tient qu’à vous.

À écouter fort, dans vos meilleurs écouteurs.