Dernière sortie

Mélancolie

Paru le 20 novembre 2018

Tel que raconté par Patrick Watson.

Je suis heureux de vous présenter une nouvelle chanson, « Silencio », en collaboration avec November Ultra, une chanteuse extraordinaire. Nous nous sommes rencontrés sur le plateau d’une émission de radio à Paris. Aussitôt que j’ai entendu sa musique, je me suis dit que ce serait formidable de faire une chanson avec elle. Elle est absolument magique. Vous verrez dès que vous l’aurez entendue. 

Cette piste a été enregistrée à Paris, dans un petit loft parfaitement adorable dans les hauteurs de Montmartre. L’espace avait déjà servi d’atelier à un peintre. Il y avait là une immense fenêtre, beaucoup de charme et quelques fantômes. Ç’a été une véritable chance de pouvoir y enregistrer. 

C’est drôle, en arrivant dans ce loft, on a tout de suite réalisé qu’il nous fallait une guitare classique. Parce qu’on a eu l’impression que c’est ce que l’espace voulait entendre. Alors on est descendus jusqu’au magasin d’instruments de musique, et on a eu de la veine, on y a trouvé une guitare au son merveilleux. Mishka l’a baptisée Steve, un nom qui lui allait comme des guêtres à un lapin, mais qui est resté. 

On s’est assis avec Nova, Mishka et moi, pour créer cette chanson. Et ça a été magique. Son sens de l’humour très fin, son ton plein de douceur et de bienveillance étaient follement inspirants. La chanson s’est quasiment écrite toute seule, COMME SI C’ÉTAIT UNE CONVERSATION QUE NOUS AVIONS DEPUIS TOUJOURS. C’était merveilleux. Et je crois que c’est comme ça que ce disque a véritablement pris naissance. 

Les paroles sont faites de deux histoires distinctes. Nova traversait une passe difficile, et moi aussi. Pour ce qui est de sa partie de l’histoire, je la laisse vous la raconter. 

Ma partie de l’histoire, c’est que j’ai été complètement aphone pendant deux mois et demi, voire trois mois. Comme j’ai tendance à trop parler, c’était plutôt bon pour moi. La chanson est construite à partir d’impressions que j’ai ressenties pendant cette période. 

J’ai réalisé qu’un tas de choses que je tenais à exprimer aux gens mais que j’étais incapable de leur dire n’étaient sans doute pas si intéressantes pour eux. Ça m’a amené à me demander si, souvent, je n’étais pas en train de me parler à moi-même plutôt qu’aux autres. 

J’ai remarqué que mes interactions avec les gens étaient très différentes quand je leur laissais la place et qu’ils remplissaient le vide laissé par mon silence. J’ai réalisé qu’on est beaucoup plus vulnérable quand on est celui qui parle, plutôt que de se contenter d’écouter. 

C’est drôle : maintenant que je me la bouclais, tout à coup les gens me traitaient comme si j’étais plus intelligent. C’était rigolo, et ça me plaisait bien. Ça m’a rappelé ma première rencontre avec Wim Wenders. Je m’étais assis devant lui pour boire un café, et il n’avait pas ouvert la bouche pendant les quinze premières minutes. J’avais essayé de ne pas briser le silence, et puis j’avais craqué et je m’étais mis à bavarder à tort et à travers. Je me souviens de m’être senti ridicule en partant. Pourquoi vouloir parler plutôt que d’écouter devant un être aussi sage et fascinant? 

Et puis, avec le recul, je m’en voulais souvent de ce que j’avais dit, parce que je parlais tout le temps trop. Or, quand on se tait, les gens mettent leurs tripes sur la table. Comme ça, ce sont eux qui s’inquiètent ensuite de ce qu’ils ont dit – ce qui est parfait.  

Aujourd’hui, j’ai retrouvé ma voix à 100%. Et je pense que je parle 7% moins, ce qui n’est pas rien. 

November Ultra : 

Quand j’ai rencontré Patrick, nous avons parlé de nos voix, de notre crainte de les perdre… qu’est-ce qu’on ferait si ça arrivait ? 

Qu’apprendrions-nous de ce silence forcé?  

C’est arrivé à Patrick, et à moi lorsque mon corps s’est effondré après ma première tournée – je pouvais à peine respirer et j’ai dû réapprendre. 

Je me suis rendu compte que le silence me rendait humble et me permettait d’écouter plus attentivement mon environnement, d’écouter les autres… Que répondons-nous lorsque quelqu’un nous demande comment on va ? Combien de fois devons-nous le demander avant que l’autre personne sente qu’elle peut nous répondre en toute honnêteté ? 

C’est ce que cette chanson « Silencio » m’a fait ressentir, l’honnêteté à travers le silence.