Alexandra Stréliski
Il y a un rare niveau de sincérité émotionnelle qui caractérise la musique d’Alexandra Stréliski. Une accessibilité, aussi. Ces qualités sont également présentes lors des prestations scéniques de la pianiste et compositrice québécoise, comme peuvent en témoigner toutes les personnes qui ont assisté à un des nombreux concerts faisant la promotion de son plus récent album, Néo-Romance. Résistant aux étiquettes conventionnelles dictant ce qu’une artiste néo-classique peut ou doit faire, elle préfère que sa musique soit une expérience authentique, sentie, brute et libre de toute prétention.
« Ce que je découvre dans les salles, ce sont des gens rassemblés qui vivent des émotions collectivement », explique-t-elle. « C’est très unique. » Afin de créer de telles expériences, Stréliski communique directement avec son public, parlant spontanément entre les pièces, encourageant les applaudissements, faisant des blagues et allant jusqu’à se laisser littéralement porter par la foule. « Sur scène, je tente de trouver un équilibre entre la profondeur et la légèreté — c’est intrinsèque à ma musique et à ma philosophie », ajoute-t-elle. De fait, ce n’est pas qu’un simple choix artistique; c’est une façon d’entretenir de véritables rapports, encourageant les auditeurs à ressentir à la fois de la joie et de la mélancolie dans un contexte collectif.
Éliminer les entraves donne lieu à une expérience plus interactive, plus humaine : des rires, des pleurs, des applaudissements. « Je souhaite que les gens se sentent à l’aise afin qu’ils puissent ressentir plus de choses », confie-t-elle. « Il s’agit d’accueillir les gens dans la musique et de vraiment créer des liens avec eux. » L’idée n’est pas de démocratiser la musique classique ou de jouer les rebelles excentriques. C’est simplement comment elle veut aborder son art, ses prestations. Et à ses yeux, c’est ce que la meilleure musique accomplit naturellement. « J’ai toujours cru que j’avais quelque chose à dire, et je veux que ma musique le reflète. Je reçois beaucoup de messages de personnes qui me disent qu’elles ont souffert ou qu’elles ont traversé des épreuves, alors j’espère que ma musique puisse leur parler, être mélodique et évocatrice. Je trouve que c’est très beau. »
Cette année, Stréliski a amené cette beauté jusqu’au public un peu partout autour du monde, notamment en tant que tête d’affiche du très couru Festival d’été de Québec. Un événement qui attire plus de 100 000 spectateurs, généralement en se concentrant sur des artistes rock et pop comme Motley Crüe, Post Malone et 50 Cent, avec lesquels elle partageait la scène principale. Elle a même profité de son concert au FEQ pour se lancer dans la foule et faire du crowd surfing! En août, elle a joué avec le prestigieux Orchestre Métropolitain sous la direction de Yannick Nézet-Séguin à Montréal. Cette collaboration lui a permis d’explorer son intérêt grandissant pour les prestations avec de grands ensembles, l’inspirant à considérer d’étendre son travail de compositrice à des arrangements orchestraux.
En plus de sa popularité durable, Stréliski est encensée par la critique, ayant notamment remporté le prix Opus Klassik 2024 dans la catégorie « Néo-classique ». Un tel honneur, particulièrement en Allemagne — un pays avec une riche tradition classique — a une signification spéciale pour elle, validant son travail au sein d’un genre où elle a souvent l’impression d’être une participante atypique. « C’est symbolique, car ce prix est remis par un jury — Néo-Romance a vraiment trouvé un écho auprès d’eux, ce que je trouve très touchant pour mes musiciens et moi. »
Au cours de 2024, la tournée de Néo-Romance a fait le tour du monde, un chapitre qui s’est conclu par des concerts à travers l’Europe en novembre et au Canada en janvier 2025, dans sa ville natale de Montréal avec un ensemble de 18 musiciens. L’aboutissement de deux années sur la route, ces derniers spectacles ont été un adieu à l’album, ainsi que le commencement du prochain chapitre de son aventure musicale. Descendre de scène pour la dernière fois est, selon Stréliski, comme « tourner la page », ce qui n’est pas banal. « On pense au travail accompli par mon équipe et moi, aux voyages, aux foules, à l’amour qu’on voyait sur les visages des gens. Ce sont des souvenirs qu’on conserve toute sa vie en tant qu’artiste, c’est sublime. »
De quoi ce nouveau chapitre aura-t-il l’air? Stréliski est ouverte à toutes les avenues que pourraient emprunter son inspiration et sa curiosité. Elle souhaite composer davantage pour le cinéma, une discipline qui convient à la nature cinématographique et évocatrice de sa musique. Elle espère aussi travailler de nouveau avec de grands ensembles et des orchestres, à la suite de sa collaboration avec l’Orchestre Métropolitain. Elle demeure discrète à propos de nouvelles directions musicales — « J’écoute beaucoup de Chostakovitch et de Tchaïkovski », mentionne-t-elle, « et je suis attiré par les concertos et les adagios » — mais une chose est certaine, elle est déterminée à demeurer authentique envers elle-même et son art.
« Je n’ai jamais d’attentes en termes de résultats. Je souhaite seulement continuer d’être inspirée et continuer d’évoluer comme artiste. Les opportunités comme être tête d’affiche au Festival d’été de Québec, c’est le genre de défi qui change une vie, c’était vraiment une expérience incroyable. Il y a tellement de gens qui ont été émus par ma musique, par Néo-Romance, et qui ont assisté à un concert et ont fait partie de cette merveilleuse expérience collective. C’est la chose la plus vraie qu’on puisse vivre en tant que musicienne. »