« Every album, I’m trying to die/The goal is ego death every time that I rhyme » est un extrait saisissant, parmi de nombreux autres, des paroles du nouvel album à paraître de Shad, Start Anew. On peut entendre ce passage dans une pièce intitulée « Happiness », où Shad cristallise un des thèmes principaux du nouveau projet. Selon Shad, pour qu’un nouveau départ soit possible, on doit être prêt à abandonner l’ancienne façon de faire les choses et véritablement relever le défi de sortir de sa zone de confort. « J’ai décidé de ne pas appeler l’album “Fear of Death” — une expression qu’on entend à travers le disque. Je me suis dit que ce n’était pas un titre très attrayant. Mais pour moi, “Start Anew” représente la même idée — cette disposition fondamentalement humaine qui fait qu’on a de la difficulté à embrasser la fin de quelque chose, même si c’est souvent la seule façon d’atteindre quelque chose de nouveau », explique Shad. « Le nouveau départ, cette rafraîchissante nouvelle vie positive est à notre portée », assure-t-il. « Mais c’est souvent de l’autre côté d’un risque ou même d’une certaine perte. »

C’est un concept que Shad a embrassé lui-même dans son approche musicale et au cours de sa carrière prospère. Depuis ses débuts en 2005, il cumule les succès critiques et commerciaux, ayant remporté le Prix Juno du Meilleur enregistrement rap pour son album TSOL (2011) et ayant inscrit un disque sur la courte liste du prestigieux Prix de musique Polaris cinq fois, un record. Sa musique va des étourdissants élans étymologiques spontanés aux albums-concepts profondément introspectifs, en plus de vidéoclips toujours inspirés pour des chansons telles que « The Old Prince Still Lives At Home », « Fam Jam » et « Rose Garden ».

De plus, Shad a travaillé comme animateur à la radio (q à CBC) et à la télévision (la série documentaire de Netflix gagnante de prix Peabody et Emmy Hip Hop Evolution), il a un autre soi de chanteur new wave (Your Boy Tony Braxton), et il enseigne désormais à l’Université de Toronto et à Laurier.

Sur Start Anew, le premier album de Shad en quatre ans, il incorpore ses expérimentations studio, échantillonnant ses propres morceaux inédits qui vont de la house à la pop psychédélique dans le mix sonore de l’album. Ces éléments jadis mis de côté et maintenant remis à neuf et réutilisés contribuent à l’aspect rétro de Start Anew, évoquant la musique soul ludique des premières parutions de Shad. « J’ai l’impression que mes derniers albums impliquaient beaucoup d’exploration et de tentatives de repousser les limites musicalement et personnellement », confie Shad. « Ce n’est pas ce que je voulais sur cet album. Musicalement, je souhaitais créer quelque chose de plutôt simple et agréable à écouter. En même temps, incorporer ces expérimentations studio était un défi créatif très stimulant. » Faisant appel à des producteurs travaillant avec Shad depuis longtemps comme Ric Notes et son fidèle collaborateur DJ TLO, cette fondation sonore familière permet à Shad de faire progresser la courbe thématique de l’album de manière franchement directe. Ou comme l’une des pièces les plus frontales de Start Anew l’affirme, « K.I.S.S. » (Keep It Simple, Stupid). D’une façon ou d’une autre, Shad estime que Start Anew a beaucoup en commun avec A Short Story About A War (2018) et TAO (2021).

« Pour moi, TAO était à propos de la désintégration et des différentes parties de nous-mêmes qui semblent déconnectées. J’ai l’impression de continuer cette conversation ici », indique Shad à propos de son plus récent album. « C’est comme si cette exploration s’était terminée avec la question : “Que faire maintenant? Doit-on tenter de réassembler les morceaux?” Et [Start Anew] offre une réponse : “Eh bien, peut-être pas. Peut-être que chaque chose a une fin.” » La réponse n’est pas toujours de monter un échafaudage et d’entreprendre des rénovations. Parfois, la réponse est qu’une chose a atteint la fin de sa vie utile. Mais peut-être que quelque chose de bien surviendra si on peut embrasser cette idée. »

Afin d’explorer cette question, Shad propose plusieurs approches. Adressant la réalité incontournable qu’un effort individuel pour changer peut souvent se heurter à des obstacles systémiques et sociaux, « Slanted » inclut les paroles suivantes qui portent à réflexion : « The land is slick and slippery and slanted/Few fully notice how a few take advantage », illustrant l’illusion que les conditions sont égales pour tous, à cause de la répartition injuste des richesses, entre autres problèmes. Ce faisant, Shad argumente en faveur du renouveau et du changement, ce qui est au cœur de Start Anew.

Refusant de se laisser décourager, Shad s’assure que l’optimisme fasse partie de l’équation et, dans le diptyque central de l’album, « Look Pt. 1 » et « Look Pt.2 », il invite l’auditeur à faire le point sur sa situation et à tracer la voie à suivre vers son but, en prenant le soin de reconnaître les petites victoires en cours de route. « Look how far you made it/Look what you created » est le mantra d’affirmation qui accompagne la deuxième pièce, où une multitude de paroles pourraient servir de discours de motivation.

La responsabilité et le soutien des autres sont souvent essentiels pour créer un changement significatif et durable, et Shad reconnaît la valeur d’une approche collective dans « Islands » et « Rain » (« Don’t need to reign like a royal/We just need rain on the soil »). Cet état d’esprit collectif s’étend à la présence de plusieurs collaborateurs, notamment l’ésotérique Raz Fresco de Brampton, ON (« Look Pt.1 »), le joueur de basketball devenu MC Jon Kabongo (« K.I.S.S. »), le pilier de la scène underground de Queens, NY, Homeboy Sandman (« Sacrifice »), et une artiste qui avait aussi collaboré à TAO, la polyvalente rappeuse et chanteuse Phoenix Pagliacci (« Look Pt. 2 »).

Malgré le thème de renouveau de Start Anew, Shad ne met pas de côté son don pour jouer avec les mots sans retenue, ce qui lui a initialement permis de se démarquer de ses pairs. Notant qu’il a grandi avec Dilla et Lauryn Hill, « Bars and BBQs » marie allitération et culture populaire, nourrissant littéralement la réflexion et permettant à Shad d’afficher une confiance bien méritée. De même, dans l’entraînante « Discern », Shad s’impose avec des lignes comme « Even pre-pandemic no one came close to me » et « Can’t call it a comeback/ I just kept showing up ».

De toute évidence, après sept albums et 20 ans de carrière, son héritage est enviable. « Je ne sais pas si c’est mon testament final, mais je crois bien que c’est la fin de quelque chose », suggère Shad. « Je pense que c’est présent sur l’album. Je crois que ça s’entend. »

Peu importe ce que l’avenir lui réserve, Start Anew est la plus récente preuve que Shad n’hésite pas à prendre des risques et à contribuer à l’évolution du hip-hop, si vous le permettez.

« J’ai l’impression que ces trois derniers albums ont été moins personnels et un peu plus philosophiques. J’y réfléchis à propos du monde, par contraste avec mes précédents albums où je racontais mon histoire », résume Shad. « Ces albums sont ma tentative d’explorer ma vision des choses, alors ils me semblent moins personnels. Peut-être que [un album plus personnel] sera le prochain chapitre. »

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